
Une des premières conséquences des sanctions économiques et financières contre la Russie est le renforcement du leadership chinois. Et pour preuve, les banques russes se tournent vers le CIPS (Cross-border Interbank Payment System), sytème de paiement instauré par la Chine qui offre des services de compensation et de règlement à ses participants pour les paiements et les échanges transfrontaliers en Yuan.
L’éviction du système SWIFT imposée par les pays occidentaux a conduit Moscou à chercher refuge ailleurs et à étudier des alternatives. Après avoir été bloquées du système de messagerie interbancaire, les banques russes se sont en effet tournées vers le système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS). Développé par la Chine – principal partenaire du Kremlin – en 2015, le système de paiement CIPS est principalement utilisé pour régler les crédits internationaux en yuan et les échanges liés à l’initiative « Belt and Road », agissant comme un système alternatif au traditionnel Swift créé en 1973.
Ce système de paiement, le CIPS, permet aux banques mondiales d’effectuer des transactions transfrontalières directement en yuan sur le territoire national, plutôt que par l’intermédiaire de banques de compensation dans des centres offshore, et vise à faire de la monnaie de Pékin une monnaie de réserve mondiale à part entière.
Ce système chinois a traité environ 80 000 milliards de yuans (12 680 milliards de dollars) en 2021, soit une augmentation de 75 % en glissement annuel, tandis que fin janvier, la société qui gère la plateforme a déclaré qu’environ 1 280 institutions financières dans 103 pays et régions s’étaient connectées au système. Il s’agit notamment de plusieurs banques au Japon, en Russie, en Afrique et de banques occidentales.
Pour rappel, la Chine multiplie depuis plusieurs années les initiatives pour réduire sa dépendance à l’égard du dollar. Outre la création d’un système de paiement fondé sur sa monnaie, elle a aussi misé sur l’émergence du yuan numérique.
Les sanctions occidentales contre la Russie la poussent aujourd’hui à accélérer le mouvement pour une alternative au système financier dominé par l’Occident.
Globalement, la coopération financière russo-chinoise jette les bases d’un système financier international moins dominé par le dollar. Situation qui augure d’un nouvel ordre monétaire mondial avec l’émergence de nouveaux acteurs sur fond de déplacement de la puissance et du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie Pacifique.
N’est-il pas venu le moment propice pour l’Afrique de jeter les nouvelles bases de redéfinition de sa politique monétaire pour mieux soutenir son économie?
Peut-être que des monnaies arrimées à des monnaies occidentales fortes comme le franc CFA par rapport à l’Euro gagneraient à envisager un changement de leur dispositif institutionnel pour s’arrimer sur un panier de devises afin d’augmenter nos capacités de résilience face aux chocs extérieurs avec des taux de change flexibles?
Tant d’enjeux cruciaux qui interpellent l’Afrique et qui doivent nous mobiliser, à l’instar de ce que fait la Russie qui se donne les moyens d’entrevoir de nouvelles alternatives dans un monde changeant.
Les cheminements et les futurs de l’Afrique dépendront prioritairement des stratégies qu’adopteront les principaux décideurs africains dans cet avènement d’une nouvelle ère dans les relations internationales. C’est mon intime conviction.
Babacar BA
Consultant International
babacarba200@gmail.com