
Le droit des entreprises en difficulté, anciennement dit droit des faillites puis droit des procédures collectives de paiement, a connu, une évolution profonde, d’une discipline organisant la sanction du débiteur défaillant, passant par le désintéressement des créanciers, à un ensemble de règles destinées à prévenir et à traiter les défaillances des entreprises.
Les ambitions économiques de ce droit perforent les contours du droit des sociétés surtout vis-à-vis de l’associé. En effet le régime dérogatoire qu’il constitue, en fait un droit spécial reléguant le droit des sociétés au second rang, droit commun.
Ainsi, les droits garantis aux associés par le droit des sociétés qui sont en déphasage avec les plans de sauvegarde nécessaires à la survie de l’entreprise peuvent être gravement secoués.
Les droits des associés sont beaucoup plus malmenés en cas de traitement des difficultés qu’en cas de règlement à l’amiable où il n’est pas rare de constater une synergie entre les deux matières malgré les innombrables atteintes du droit des entreprises en difficulté sur le droit des sociétés.
En effet, avec les restrictions que posent les articles 52 et 53 de l’acte uniforme en cas de redressement ou liquidation judiciaire, les titres sociaux des dirigeants peu importe de droit ou de fait, ne sont plus disponibles, devant ainsi être déposés entre les mains du syndic.
Dès lors, même si les restrictions se limitent à une catégorie d’associés, les dirigeants voient leur droit social incessible. Cette incessibilité traduit une interdiction de quitter l’entreprise durant la période de traitement des difficultés pesant sur le dirigeant.
Cette atteinte pourrait certes être justifiée par la situation difficile de l’entreprise donnant naissance à des sentiments de méfiance nourris à l’encontre des dirigeants qui ne sont pas exempts de reproches en raison de l’éventuelle mise en œuvre de leur responsabilité financière.
Ce martèlement du principe de liberté de cession des titres sociaux connaît un revers des plus scandaleux du point de vue d’atteinte à un droit. En effet, le droit de l’associé à rester membre de la société fait partie des droits fondamentaux de ce dernier car, tirant l’un de ces fondements de la constitution qui garantit le droit de propriété qui est la contrepartie des apports en capital des associés.
La combinaison des prérogatives afférentes au droit de propriété et la liberté d’entreprendre, également un principe constitutionnel, n’en reste pas moins entraver judiciairement en cas de difficultés de la société.
Le droit des difficultés de l’entreprise fait ainsi peser sur les dirigeants des contraintes indéniables dans la gestion de leurs droits sociaux. L’intérêt de cette atteinte peut paraître justifié, dans une approche répressive, en cas de faute du dirigeant. Il est par contre discutable en l’absence de faute sanctionnée.
Or, les textes démontrent que le législateur renforce progressivement les contraintes pesant sur les dirigeants et des associés d’une manière générale.
La procédure collective ouverte contre la société débitrice justifie l’immixtion du juge dans le fonctionnement de celle-ci.
Sous ce rapport, l’associé, qui refuse de contribuer à la mise en place d’un plan de sauvetage de l’entreprise notamment en refusant de participer à une augmentation de capital social, peut être contraint par le tribunal à quitter la société.
La décision de quitter ou de rester semble être motivée par l’intérêt de la société suivant les exigences du plan de redressement et la volonté de l’associé à y participer ou non.
Maître Cheikh Fall